La chronique littéraire d'Émile Cougut
Richard Sartène a connu une enfance comme on espère que nos enfants, petits enfants, descendants ne connaîtrons jamais. Il est un enfant de son époque et le moins que l’on puisse dire, c’est que pour un petit garçon de quatre ans, dont les parents étaient des juifs polonais immigrés en France, il avait tout pour connaître l’enfer. Il ne l’a pas connu, mais il n’a pas eu une enfance radieuse, dans un cadre familial épanouie.
En 1942, un client de son père, tailleur, apprend à ce dernier que tous les juifs de Paris vont être arrêtés par les allemands. Il a le temps d’envoyer Richard et son frère ainé dans un petit village de Bretagne, sa mère reste à Paris pour accoucher puis réussir à se cacher en Touraine, son père s’enfuit en Espagne, passe en Afrique du Nord et s’engage dans les troupes de la France libre. A la libération, ils seront tous vivants, mais les parents divorcent et Richard ne verra que très peu son père. Une enfance entre guerre et paix retrace 10 ans de la vie de l’auteur : le temps de la guerre passé en Bretagne, chez Euphrasie sa « marraine ». Il nous décrit un monde disparu vivant au rythme des saisons, répétant les mêmes gestes depuis la nuit des temps. Une vie rude, sans luxe, mais où l’enfant trouve l’affection dont il a besoin, fait l’apprentissage de la solidarité, des joies profondes dans la simplicité. Cette vie passée loin des siens, mais avec son ainé, lui fait découvrir, lui le parisien un univers qu’il ne connaissait pas, les valeurs de la ruralité, l’effort.
A la libération, sa mère s’installe dans un village voisin, et ce n’est qu’en décembre 1951 qu’il va revenir à Paris. Il est a noté que ce n’est qu’à la Libération qu’il a pris conscience d’être juif. Non par ce qu’il ressentait mais par le regard des autres. Il a été, comme beaucoup d’enfants dans sa situation, baptisé, allait toutes les semaines à la messe. C’est au contact de sa tante qui a été déportée, à la réflexion de certains dans son entourage qu’il a compris que son corps porte à tout jamais la marque à son appartenance au peuple juif. Bien sur, il se pose la question de savoir qui est un juif, qu’est-ce qui le différencie d’un non juif. Mais il n’apporte pas de réponse car c’est d’un enfant qu’il s’agit et un enfant, pris si jeune dans les tourments de l’histoire ne peut, ne sait se donner une réponse.
A Paris, il commence une autre vie, mais les valeurs qu’il a acquises en Bretagne sont toujours présentes. Il entre chez les scouts israélites, mais ne se sent pas attiré par un retour à la terre promise. Les courts chapitres consacrés à Paris commencent pour la plus part par : « je me souviens ». Georges Perec n’est pas loin, lui qui est cité par l’auteur quand il parle de sa recherche de sa judéicité.
Richard Sartène présente ses mémoires comme étant la réponse à une question à un de ses petits fils : « Dis qu’est-ce que tu as fait pendant la guerre ? » Et son style est en parfaite harmonie avec l’âge de son locuteur, des mots simples, des phrases courtes, pas de savantes analyses, de considérations géostratégiques, philosophiques, mais des faits bruts, précis, des émotions à peine esquissées mais très fortes tant elles sont empruntes d’affection : affection pour son passé, pour sa nourrice, son frère, sa mère, et même son père. Affection pour tous ceux qui ont gravité autour de lui durant ces dix ans.
Une Enfance entre guerre et paix est un témoignage émouvant tant il est sincère qui devrait être lu par tous nos adolescents à fin qu’ils prennent conscience de la chance inouïe qu’ils ont de vivre au XXIe siècle dans un pays riche et ou il n’est pas nécessaire de se cacher pour vivre.
Emile Cougut
Une Enfance entre guerre et paix
Richard Sartène
Les éditions du Net. 13€ ou 9€10 en version PDF
Richard Sartène, docteur en médecine toujours en exercice, spécialiste de la médecine du sport et de celle du sommeil, docteur en sciences, enseignant et chercheur, humaniste de haute futaie, grand amateur d’art, voue à l’amitié un culte contagieux.